lundi 2 septembre 2013

Le savez-vous ?

La comptabilité d’une copropriété était, sans surprise, du plus mauvais aloi. Elle ne respectait aucune des règles permettant de voir clair dans les comptes. Des dépenses et des prélèvements étaient injustifiés ou dissimulés ainsi que des charges et des produits. Aucune explication satisfaisante ne pouvait jamais être obtenue du syndic. Beaucoup d’autres indices alarmaient les copropriétaires. Ceux-ci étaient loin d’être des béotiens sans être experts en gestion cependant, mais ils étaient suffisamment versés dans les affaires pour comprendre qu’ils étaient floués. Il ressortait que, décidément, les procédés utilisés par le syndic lui assuraient une mainmise personnelle et exclusive sur les finances de la collectivité.

Finalement, après beaucoup de vicissitudes et non moins d’atermoiements, le syndic fut contraint de soumettre sa comptabilité au contrôle d’un réviseur d’entreprises.

L’espoir était grand de voir enfin les négligences et les petits trafics du syndic dévoilés et exposés au grand jour.

Mais le réviseur remit un rapport dans lequel il affirmait avoir contrôlé l’ensemble des comptes et, en conclusion, il certifiait que ceux-ci donnaient une image fidèle de la copropriété, de ses avoirs et de ses dettes, de ses charges et de ses produits ; qu’ils ne contenaient aucune dissimulation ni aucun manquement aux règles. Et pour faire bonne mesure, le réviseur refusa d'assister à l'assemblée générale pour ne pas avoir à répondre aux questions des participants.

La lecture du rapport provoqua un mouvement de stupeur. Mais bientôt, les copropriétaires se rendirent à l’évidence : il y avait forcément une entente entre le réviseur et le syndic. Il était absolument impossible pour un professionnel de bonne foi d’avaliser autant de tripotages. Ils consultèrent un avocat et déposèrent plainte auprès de l’Institut des Réviseurs d’Entreprises, l’organisme gardien de la déontologie des réviseurs et veillant sur leur compétence et leur indépendance. La plainte était accompagnée de plusieurs pages d’un texte serré décrivant en de nombreux points les multiples et graves lacunes de la comptabilité tout en dénonçant l’attitude manifestement déloyale du réviseur.

Après une petite année d’attente, l’I.R.E. rendit son verdict : le réviseur était blanchi de tout soupçon. Les pontes de l’Institut notifiaient aux copropriétaires que le réviseur avait accompli sa tâche en conscience et qu'aucune faute ne pouvait lui être imputée. Son travail était irréprochable. On ne pouvait douter ni de sa compétence ni de son indépendance. Il avait respecté toutes les règles de la déontologie et son honnêteté était sans tache.

Depuis lors, le syndic règne en maître absolu sur la copropriété et sur ses finances.



Cette aventure, aussi triste que dommageable, n’est malheureusement pas unique. Il s’agirait même du sort commun des copropriétés.

Une autre copropriété était en butte aux mêmes difficultés. Un syndic autoritaire et obtus tenait les copropriétaires dans le brouillard et les finances dans le noir absolu.

Un expert comptable fut finalement nommé en assemblée générale et il examina les comptes du syndic. Son rapport fut en tous points semblable dans l’esprit sinon dans la lettre à celui rédigé par le réviseur d’entreprises ci-dessus.

Une réclamation détaillée fut remise à l’Institut des Experts Comptables et celui-ci, au grand scandale des copropriétaires, blanchit complètement son expert.

Ici aussi, le syndic continue de se remplir les poches en toute impunité et même, officiellement, en toute légitimité.



En conclusion, il faut absolument éviter de faire appel à un réviseur d’entreprises ou à un expert comptable externe pour vérifier les comptes d'une copropriété. Il en cuirait aux imprudents.

Une autre conclusion, plus générale, doit aussi être tirée de ces épisodes malheureux et répétés. Quel crédit peut-on accorder aux réviseurs d’entreprises et aux experts comptables externes lorsqu’ils certifient les comptes des entreprises ? Cette question est fort grave et l'expérience des copropriétés est une réponse de poids. L’extraordinaire culbute des banques, qui a coûté tant de milliards aux contribuables et qui fut aussi soudaine que tout à fait imprévue, n’est-elle pas aussi le résultat de l’aveuglement, de l’incompétence sinon du manque d’indépendance des contrôleurs et auditeurs ?


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