lundi 8 octobre 2012

La nouvelle comptabilité des copropriétés.

A la grande déception du lobby des syndics qui a fait l'impossible et même beaucoup plus pour en empêcher la publication tout en essayant d'en modifier la substance, l’arrêté royal promis par la loi du 10 mai 2010 est enfin sorti du placard où il jaunissait depuis deux ans sous un tas de poussière.

L'arrêté royal a cependant été établi après consultation de la Commission des normes comptables. Il est donc à la hauteur des circonstances. Les copropriétés sont dorénavant soumises aux règles communes imposées aux entreprises commerciales en matière de comptabilité. Le plan comptable est le fameux PCMN bien connu de tous.

On pourra bientôt lire les bilans et comptes de résultats des copropriétés comme ont le fait de ceux des entreprises commerciales. On analysera les charges et les frais, les travaux d'entretien et de réparations, les provisions et les réserves. On établira des statistiques, des comparaisons, des parallèles puisque les comptes des copropriétés seront tous établis suivant le même modèle. On verra enfin clair dans la gestion des syndics.

En particulier, les sommes prélevées sur le fonds de réserve et utilisées obligatoirement et exclusivement pour des travaux d'investissement devront apparaître à l'actif du bilan pour leur valeur résiduelle. Cela signifie qu'il n'est plus question de prendre en charge en une fois sur l'exercice les nombreux travaux et autres réfections ou rénovations que les syndics multiplient à l'envi. Ils devront faire l'objet d'amortissements annuels au fur et à mesure de leurs dépréciations de manière à permettre aux copropriétaires d'apprécier la valeur réelle des communs.

La comptabilité donnera enfin une image fidèle de la copropriété, de sa situation financière, de ses avoirs et de ses dettes, de ses engagements, de ses investissements, de ses perspectives.

On voudrait espérer qu'ainsi les copropriétés naviguent sur une mer d'huile. Mais, instruits par l'expérience, les copropriétaires savent qu'il n'en sera malheureusement rien. Pour cela, il faudrait simplement que l'arrêté royal sur la comptabilité des copropriétés soit appliqué. On peut parier cent francs contre un bouton de culotte qu'il restera lettre morte puisqu'aucune sanction n'est prévue et qu'il se heurtera à la mauvaise volonté des syndics. Le foutoir des comptabilités restera ce qu'il est et l'arrêté royal sera relégué au rayon des farces et attrapes. On en a de redoutables prémices lorsqu'on constate la désinvolture avec laquelle les syndics font fi de la nouvelle loi, comme de l'ancienne et même de toutes les autres lois.

Ainsi, quant à la loi de 2010, on relèvera quelques petits manquements non exhaustifs mais révélateurs du je-m’en-fichisme des intéressés :

Art. 577-6, § 10 : "Le syndic rédige le procès-verbal des décisions prises par l'assemblée générale avec indication des majorités obtenues et du nom des propriétaires qui ont voté contre ou qui se sont abstenus. A la fin de la séance et après lecture, ce procès-verbal est signé par le président de l'assemblée générale, par le secrétaire désigné lors de l'ouverture de la séance et par tous les copropriétaires encore présents à ce moment ou leurs mandataires".
Les syndics ignorent cette obligation au profit de la rédaction d'un procès-verbal personnel où ils chantent leurs propres louanges, où ils stipendient les mauvais copropriétaires qui ont le front de ne pas approuver leurs manipulations financières et autres combines, et où ils justifient leur gestion avec l'éloquence que déploient les gens de robe lorsqu'ils plaident la cause d'un assassin.

Art. 577-7, § 1, 1 , al. 8 et art. 577-8/1, al. 2 : "Le conseil de copropriété adresse aux copropriétaires un rapport semestriel circonstancié sur l'exercice de sa mission".
En répétant l'obligation de la rédaction du "rapport semestriel" dans deux articles de la loi, le législateur a voulu insister sur l'importance qu'il attache à sa rédaction. Cependant, il faut bien constater que, dans la grande majorité des copropriétés, ce rapport n'est jamais rédigé. Le conseil de copropriété serait d'ailleurs bien en peine de l'établir puisque, la plupart du temps, il ne fait rien sinon obéir aux injonctions du syndic lorsque celui-ci se donne la peine de lui en donner.

Art. 577-8, § 1, al. 2 : "Les dispositions régissant les relations entre le syndic et l'association des copropriétaires doivent figurer dans un contrat écrit".
Lorsqu'il existe, le contrat de syndic est approuvé par le conseil de copropriété et signé par le président sans consultation de l'assemblée générale qui n'en est même pas informée. Il va de soi que le président signe les yeux fermés et, en particulier, ratifie l'application d'une ribambelle de clauses léonines dont certaines sont le fruit des cogitations du lobby des syndics qui a préparé un contrat-type prévoyant dérogations au droit, augmentations des frais, indemnités en tous genres sans oublier les limites des responsabilités et les devoirs des copropriétaires. Cependant, pour avoir les mains encore plus libres, de nombreux syndics refusent tout contrat. Ils n'appliquent ainsi que leurs propres règles sans aucun frein pour en contenir les excès.

Les syndics contrôlent les assemblées générales ; ce sont des manipulateurs-nés ; ils jouent de la timidité des uns et de l'incompétence des autres avec un bagout et un culot de professionnels des tréteaux. Dès lors, les décisions ne portent pas sur les points de l'ordre du jour mais expriment la soumission de l'assemblée aux volontés du dominant.

Pourquoi les syndics se gêneraient-ils ? L'expérience montre tous les jours que, lorsqu'un copropriétaire, dépouillé et excédé, a recours au juge en s'appuyant sur une montagne de preuves, sa cause si juste débouche sur le néant tout en vidant ses poches. Il est débouté, mis à l'amende et humilié par une justice sous influence. En conséquence, le malheureux, honnête mais naïf copropriétaire est ruiné, diabolisé et mis à l'index.

La volonté obstinée et révoltante des juges d'ignorer des lois claires et précises a des effets dévastateurs : les malfaisants sont confortés et leurs victimes sont brisées.


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mercredi 22 février 2012

La Cour sème le vent...

La loi du 22 avril 1999 en ses articles 34 et 37, accorde aux réviseurs d’entreprises et aux experts comptables le monopole de la compétence quant à la vérification et au redressement des documents comptables.

Mais la loi du 2 juin 2010 sur la copropriété permet cependant à l’assemblée générale de désigner une personne qui n’est ni réviseur d’entreprise ni expert comptable pour vérifier et redresser les comptes des copropriétés.

Sur requête des Instituts des réviseurs d’entreprises et des experts comptables, la Cour constitutionnelle a été appelée à se prononcer sur cette contradiction.

Il existe de nombreuses professions dont le monopole est organisé par la loi à l’instar de celui des réviseurs d’entreprises et des experts comptables. On peut citer celui des avocats, des médecins, des agents immobiliers, des architectes, et de beaucoup d’autres. On constate que ce monopole accordé en reconnaissance d’une compétence ne souffre pas d’exception.

La Cour décide cependant que, si tout monopole est toujours resté sacro-saint selon la volonté du législateur, une loi peut en modifier le caractère jusqu’ici intangible. En l’occurrence, le monopole de compétence des réviseurs d’entreprises et des experts comptables n’en serait plus un. Ces professions seraient dégradées et ramenées au niveau lambda de la compétence.

Par dérogation à la règle générale imposée à toutes les comptabilités, qu’il s’agisse d’entreprises, de sociétés, de petits ou moyens commerces, d’ASBL ou autres, les comptes des copropriétés - et seulement les comptes des copropriétés - peuvent être vérifiés et les écritures redressées par toute personne, quelle qu’elle soit, même sans la moindre formation ou connaissance en comptabilité, éventuellement préposée ou parente du syndic. Il n’y aura plus aucune incompatibilité. Le syndic lui-même pourrait devenir le contrôleur aux comptes désigné par l’assemblée générale subjuguée par un beau parleur.

C’est un peu comme si la Cour accordait aux plombiers le droit de poser des diagnostics médicaux.

Pour faire bonne mesure et pour consacrer le pouvoir sans partage d’un seul sur l’ensemble de la copropriété, une autre exception est instaurée et tirée du néant puisqu’elle ne figure dans aucun texte : dorénavant, dans une copropriété, le syndic aura le monopole de la compétence technique en matière de comptabilité. Il serra donc le seul à décider de la forme et du contenu des comptes.

Ainsi, alors que l’impéritie crasse des contrôleurs aux comptes amateurs et leur incapacité à déceler le moindre impair ont permis récemment à des syndics escrocs de détourner des centaines de milliers d’euros, une décision administrative irréfléchie autant qu’irresponsable et presque criminelle ratifie ces errements, les consacre et les institue en règle doctrinale. De plus, l’incurie bien connue des syndics en matière de comptabilité est élevée au rang de compétence irréductible. C’est le monde à l’envers.

Une fois de plus, cédant à un lobby bien connu, les juges ont rembarré les honnêtes gens et comploté avec les piranhas.

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