mercredi 22 février 2012

La Cour sème le vent...

La loi du 22 avril 1999 en ses articles 34 et 37, accorde aux réviseurs d’entreprises et aux experts comptables le monopole de la compétence quant à la vérification et au redressement des documents comptables.

Mais la loi du 2 juin 2010 sur la copropriété permet cependant à l’assemblée générale de désigner une personne qui n’est ni réviseur d’entreprise ni expert comptable pour vérifier et redresser les comptes des copropriétés.

Sur requête des Instituts des réviseurs d’entreprises et des experts comptables, la Cour constitutionnelle a été appelée à se prononcer sur cette contradiction.

Il existe de nombreuses professions dont le monopole est organisé par la loi à l’instar de celui des réviseurs d’entreprises et des experts comptables. On peut citer celui des avocats, des médecins, des agents immobiliers, des architectes, et de beaucoup d’autres. On constate que ce monopole accordé en reconnaissance d’une compétence ne souffre pas d’exception.

La Cour décide cependant que, si tout monopole est toujours resté sacro-saint selon la volonté du législateur, une loi peut en modifier le caractère jusqu’ici intangible. En l’occurrence, le monopole de compétence des réviseurs d’entreprises et des experts comptables n’en serait plus un. Ces professions seraient dégradées et ramenées au niveau lambda de la compétence.

Par dérogation à la règle générale imposée à toutes les comptabilités, qu’il s’agisse d’entreprises, de sociétés, de petits ou moyens commerces, d’ASBL ou autres, les comptes des copropriétés - et seulement les comptes des copropriétés - peuvent être vérifiés et les écritures redressées par toute personne, quelle qu’elle soit, même sans la moindre formation ou connaissance en comptabilité, éventuellement préposée ou parente du syndic. Il n’y aura plus aucune incompatibilité. Le syndic lui-même pourrait devenir le contrôleur aux comptes désigné par l’assemblée générale subjuguée par un beau parleur.

C’est un peu comme si la Cour accordait aux plombiers le droit de poser des diagnostics médicaux.

Pour faire bonne mesure et pour consacrer le pouvoir sans partage d’un seul sur l’ensemble de la copropriété, une autre exception est instaurée et tirée du néant puisqu’elle ne figure dans aucun texte : dorénavant, dans une copropriété, le syndic aura le monopole de la compétence technique en matière de comptabilité. Il serra donc le seul à décider de la forme et du contenu des comptes.

Ainsi, alors que l’impéritie crasse des contrôleurs aux comptes amateurs et leur incapacité à déceler le moindre impair ont permis récemment à des syndics escrocs de détourner des centaines de milliers d’euros, une décision administrative irréfléchie autant qu’irresponsable et presque criminelle ratifie ces errements, les consacre et les institue en règle doctrinale. De plus, l’incurie bien connue des syndics en matière de comptabilité est élevée au rang de compétence irréductible. C’est le monde à l’envers.

Une fois de plus, cédant à un lobby bien connu, les juges ont rembarré les honnêtes gens et comploté avec les piranhas.

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