lundi 10 octobre 2011

Astreindre le syndic.

Si le syndic a les doigts crochus, il a aussi un poil dans la main. Ainsi, tout en garnissant son gousset des dépouilles de ses victimes impuissantes, apeurées et désespérées, il empoisonne aussi et trop souvent la vie en copropriété par son indécrottable inertie.

Les copropriétaires sont confrontés quotidiennement à de petits et grands ennuis qui s'aggravent au fil du temps et finissent par exaspérer les tempéraments les plus placides.

Voici quelques exemples anodins mais très irritants :
- L'ouvre-porte est en panne perpétuelle.
- L'eau chaude est à peine tiède depuis des jours.
- Un habitant sans-gêne importune ses voisins par ses noubas et ses chambards.
- De l'eau coule le long d'un mur et des morceaux de plâtre couverts de fongus tombent sur le sol.
- La concierge est toujours absente et les communs ne sont pas nettoyés.

La liste peut être allongée infiniment et contenir des éléments encore beaucoup plus alarmants et dommageables pour la copropriété comme les mystères et obscurités de la comptabilité du syndic, ses manipulations et dissimulations, ses misérables petits trucs et autres astuces d'arsouille.

Et le syndic ne fait rien, ne bouge pas, ne répond pas, n'entend rien. Et les problèmes de la copropriété s'accumulent. Et la paresse et le je-m'en-fichisme du syndic en multiplient encore les inconvénients. Mais le syndic est intouchable. C'est un chef. Il se conduit comme le maître envers ses chiens. Le sentiment général est qu'il n'y a rien à faire. La plupart des copropriétaires baissent la tête et les bras. Ils se résignent à n'être que des chiens.

Fort de son ascendant et de son empire sur les consciences impressionnables de copropriétaires souvent âgés, le syndic est prompt à les mettre à l'amende et à leur infliger des pénalités. Est-il à l'abri d'un retour de bâton ?

Car il peut arriver qu'un copropriétaire courageux et intrépide se rebiffe. Après tout, le syndic est un fournisseur de services et il n'y a aucune raison pour qu'il soit traité avec plus d'égard qu'un autre.

Si un fournisseur est appelé par un copropriétaire pour effectuer un travail dans son appartement, le paiement est subordonné à une bonne exécution de la prestation.

- Si le plombier ne répare pas la fuite d'eau, il ne sera pas payé par le copropriétaire mécontent.
- Si le peintre ne vernit pas la porte qu'il doit rafraîchir, il ne sera pas payé non plus.
- Si le menuisier ne restaure pas le siège qu'il doit rafistoler, il ne sera évidemment pas payé.
- Si le syndic ne fait pas son travail, il ne doit pas être payé.

Comme il est impossible de se faire entendre du syndic si celui-ci est de mauvaise volonté, le copropriétaire courageux le constatera d'abord puis se décidera à prendre les mesures de sauvegarde indispensables :

1.- Demande de mise à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale d'un point libellé comme suit : "Information des copropriétaires sur la carence du syndic quant à l'accomplissement de sa mission de gestion."

2.- Lettre recommandée au syndic pour lui indiquer que s'il ne s'amende pas et s'il persiste à ignorer ses obligations quant à la gestion de la copropriété, une retenue à titre de pénalité sera opérée sur ses honoraires à l'occasion du prochain appel de fonds.

Comme il est fort probable que, sûr de lui et dominateur, le syndic restera sourd à cette objurgation cependant plus conciliante que belliqueuse, le copropriétaire courageux devra passer à l'acte.

Après avoir indiqué au syndic que, constatant qu'il n'a pas apporté la diligence attendue quant à la bonne exécution de sa mission en dépit des avertissements répétés qui lui ont été prodigués, le copropriétaire courageux lui notifiera que, à regret mais poussé par la nécessité, il se voit contraint de déduire la retenue annoncée en espérant qu'elle suffira à le ramener à résipiscence et qu'il ne faudra pas renouveler cette sanction désagréable pour tout le monde.

Le syndic répondra probablement par des menaces ce qui laissera de glace le copropriétaire courageux. Le syndic n'est ni le patron ni le supérieur des copropriétaires, et ceux-ci ne sont ni ses employés si ses subalternes. C'est lui au contraire qui est à leur service.

Mais, frappé au portefeuille, - à la partie la plus intime de sa personne, - le syndic pourrait être tenté, après l'échec de ses manœuvres d'intimidation, de se tourner vers la justice surtout si le copropriétaire courageux, en butte à un entêtement coupable, a dû à son corps défendant lui imposer d'autres pénalités. Mais, si le syndic le fait, s'il ose le faire, il y regardera cependant à deux fois. Il ne s'y hasardera, éventuellement et après bien des hésitations, qu'après avoir d'abord pesé le pour et le contre, après avoir aussi évalué le risque évident d'être sermonné et rembarré avec pertes et fracas devant un public scandalisé par sa conduite. Ses fautes et son arrogance pourraient et devraient être justement sanctionnées. Sa réputation en souffrirait ainsi que son omnipotence.

L'ACP ne serait en aucune manière impliquée dans l'affaire. Elle n'aurait rien à y gagner ni à y perdre puisqu'il s'agirait seulement d'un différend entre le syndic et un copropriétaire. Le syndic ne pourrait pas se faire assister de l'avocat de la copropriété, celui-ci se trouvant en l'occurrence exposé à un conflit d'intérêt.

Conseillé par son propre avocat qu'il paiera de ses deniers, le syndic essaiera de convaincre le juge que si un plombier, un peintre ou un menuisier ne sont payés que s'ils accomplissent leur travail avec conscience et à la satisfaction de leurs clients, il n'en va pas de même des syndics qui doivent être payés même s'ils ne travaillent pas, même s'ils ne font rien, même s'ils laissent la copropriété à l'abandon, même si leur incurie fait scandale, même s'ils sont incompétents et indélicats, même si leur inaction cause des dommages irréparables ou coûteux.

Une passe d'armes entre le bon et le truand.

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